vendredi 20 septembre 2013

Jamais sans mon égérie

Vous n'êtes pas sans avoir constaté par vous même que le temps où comédiens et comédiennes faisaient la fine bouche et refusaient catégoriquement de faire de la publicité est désormais résolu. Ils n'hésitent plus à répondre aux sirènes des grandes marques de cosmétiques et parfums et pourquoi pas?
Je vous joins  une belle réflexion sur le sujet signé Johanne Courbatère de Gaudric pour Les Echos . Et quelques visuels en témoignage.

Diane Kruger pour Chanel/ Blake Lively pour Gucci/ Natalie Portman pour Dior
Gwyneth Paltrow pour Boss /  Kristen Stewart pour Balenciaga / Cate Blanchett pour Giorgio Armani

Du bon usage de l’égérie

06/09 | 03:00 | mis à jour à 11:59


Robert Pattinson pour Dior Homme, Cate Blanchett pour Si d’Armani d’un côté, ambiance rock avec Burberry Brit Rhythm, esprit sobre et chic chez Bottega Veneta de l’autre. Pour cette rentrée stratégique, des marques font le choix d’une célébrité, d’autres non. Décryptage.

Pour expliquer les liens qui unissent l’égérie d’un parfum à son public, Michaël Dandrieux, sociologue, cite cette phrase de Gaston Bachelard : « Un être existe par le monde, qui vous est inconnu et, soudain, en une seule rencontre, avant de le connaître, vous le reconnaissez. » Cela tient presque de la magie. Mais aussi d’un business bien huilé et coûteux. « Avoir une égérie est quasiment devenu indispensable quand on lance mondialement un parfum et qu’il faut frapper fort », explique Véronique Gautier, directrice générale Giorgio Armani Beauté. La marque vient de lancer son nouveau grand féminin. Si, avec pour ambassadrice, l’actrice australienne Cate Blanchett qui incarne le jus avec beaucoup de justesse. De son côté, Dior a aussi fait fort en choisissant la star Robert Pattinson pour être le nouveau visage de Dior Homme. Néanmoins, la voie du succès ne passe pas forcément par la case célébrité. Dans son étude pour la Fragrance Foundation France sur les usages des clientes françaises, CMM Benchmark a fait un constat : 3 % seulement citent l’égérie comme principal critère de sélection dans leur achat. Autre fait important, le film de La Petite Robe Noire de Guerlain a été élu « publicité préférée des Français en 2012 », selon le palmarès Ipsos. Or celle-ci n’intègre ni de star ni de top-modèle mais un personnage dessiné par le duo Kuntzel et Deygas.

Déjà à Pompéi...

« Le choix ou non d’une égérie n’est pas la question, mais l’usage qu’on en fait »,explique Jean-Paul Tréguer, auteur du livre « Mettez une star dans votre moteur » (*). Et d’ajouter que le système a toujours fait ses preuves puisque déjà à Pompéi, des portraits de gladiateurs connus faisaient la réclame de produits sur les murs des boutiques. Dans une grande ville, une personne est exposée à près de 5.000 messages de marques par jour, il faut donc se démarquer. De plus, aux Etats-Unis et dans certains pays d’Asie, c’est indispensable. En Chine par exemple, 50 % des campagnes publicitaires mettent en scène une célébrité. Qui fait rêver aujourd’hui ? Selon Véronique Gautier et Alain Lorenzo, président de LVMH Fragrance Brand (Kenzo, Fendi, Givenchy), les stars de cinéma sont les plus aspirationnelles. On citera James Franco pour la marque Gucci, Simon Baker pour Gentleman Only de Givenchy, Chiara Mastroianni pour L’Acquarossa de Fendi. Ou encore, Rooney Mara pour Downtown de Calvin Klein, Gwyneth Paltrow pour Boss Jour et Boss Nuit d’Hugo Boss. Mais le glamour cinématographique fonctionne sous certaines conditions. Une star, oui mais dans la mesure où sa personnalité et sa carrière sont en cohérence avec l’esprit de la marque et du produit. Le but, transmettre l’émotion au public : si le duo star et parfum fonctionne, la magie opère. Le ­consommateur peut alors se projeter dans l’histoire racontée par le produit. Exemple, Robert Pattinson, l’icône de la saga « Twilight », incarnant parfaitement son rôle de jeune séducteur romantique et aventurier dans le film de Dior Homme réalisé par Romain Gavras et shooté pour la campagne par Nan Goldin, photographe mythique s’il en est.
Autre contrainte importante dans le choix d’une égérie, que celle-ci n’ait pas prêté son visage à diverses maisons car le risque est alors une « cannibalisation » du produit. En boutique, on ne viendrait pas acheter le parfum de telle ou telle marque mais celui de la star. Celle-ci sert de levier médiatique, notamment pour un lancement international. Mais ce n’est pas l’égérie qui fera le succès du parfum à long terme. Il faut que le produit lui-même prenne tout de suite le relais avec un ­concept fort. « Une raison aussi pour laquelle les contrats d’égérie ne durent pas plus de cinq ans », ajoute Jean-Paul Tréguer. « N’oublions pas non plus qu’aujourd’hui les célébrités construisent leur image comme une véritable marque. Outre les moyens financiers que des petites maisons n’ont pas, le recours à une célébrité risque d’étouffer la notoriété de celles-ci. Il faut que la puissance médiatique des deux, égérie et marque soit égale », explique Gilles Thévenin, président des parfums Lubin. Et d’ajouter que la meilleure égérie, qui n’en est pas une, est la star qui de son propre chef se fait porte-parole de la marque. « Marilyn Monroe pour le N° 5 de Chanel par exemple. Honnêtement, qui n’en rêve pas ? », dit-il. « Une maison confidentielle doit redoubler d’imagination et communiquer autrement. » En 1974 pour son parfum L de Lubin, la marque avait mis en scène deux amis dans un train évoquant ce qu’ils diraient à la femme qui les a envoûtés par son sillage. La base line était « L de Lubin, le nouveau parfum qui fait parler les hommes ». Intéressant.

« N’est pas égérie qui veut »

Demeure que certaines marques qui ne sont pas de niche ont elles aussi fait le choix de ne pas prendre d’égérie, tels Hermès, Cartier, Bottega Veneta ou encore Burberry. Pour son dernier masculin Burberry Brit Rhythm, c’est le produit lui-même qui incarne le concept, à savoir le rock. Christopher Bailey, designer de la maison, voulait que le son et les images en noir et blanc du film retranscrivent cet univers musical. Autre constat, parmi les succès du box-office, on dénombre quelques jus sans égérie : One Million de Paco Rabanne, L’Eau d’Issey d'Issey Miyake, Flowerbomb de Viktor & Rolf. Ou encore For Her de Narciso Rodriguez et Le Mâle de Jean Paul Gaultier. Question amusante : en juillet dernier, Nabila, coqueluche de la télé-réalité a clôturé le défilé du couturier. Pourrait-on l’imaginer égérie d’un prochain féminin ? « Non, un défilé est éphémère et la parfumerie choisit des célébrités dont la notoriété est établie car un parfum reste un produit de luxe aux dimensions intemporelles », explique Denis Quimbrot, vice-président du groupe BPI. « De plus, la marque a construit son histoire sur des figures héroïques, des personnages populaires, la pin-up et le marin. Nul besoin d’égérie. » Michaël Dandrieux, précise : « Le public se retrouve forcément dans des personnes devenant célèbres presque par hasard juste après un passage à la télévision. C’est vrai. Mais l’expérience d’un parfum repose sur un imaginaire plus profond, plus universel. » N’est donc pas égérie qui veut. Laissons un peu de place au rêve et à la poésie.
Johanne Courbatère de Gaudric

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