lundi 13 janvier 2014

Ces microbes qui font une jolie peau


Ces microbes qui font une jolie peau

Bactéries, levures et champignons sont au centre des nouvelles recherches cosmétiques

10168L'ère de la microbiosmétique est néePhoto Imaxtree
Une cosmétique avant-gardiste, inspirée des dernières recherches sur le microbiome humain, règle les désordres cutanés en agissant sur le vivant.
Nous sommes envahis par les microbes. Et, jusqu'ici, notre but était plutôt de les éradiquer. Aujourd'hui, la communauté scientifique nous incite à regarder ceux qui peuplent notre corps, de très près, même à les cajoler, car ces organismes invisibles seraient responsables de la santé et de la beauté de l'épiderme. Dans un monde hygiéniste, où l'on prend facilement deux douches par jour, cette nouvelle fait l'effet d'une bombe ! Les marques cosmétiques elles-mêmes, convaincues de leurs bienfaits, travaillent sur des formules inédites protégeant ces microbes pour une plus belle peau. L'ère de la microbiosmétique est née.

Cette population de bactéries, levures, champignons et autres virus avec lesquels nous cohabitons, appelée « microbiote » (du grec « micro », petit et « bios », vie), est estimée à 100 000 milliards d'individus, soit dix fois plus de cellules que n'en totalise le corps humain. L'étude de cet incroyable sujet a démarré en 2007, aux États-Unis, avec le projet « Human Microbiome Project » du National Institute of Health (NIH). L'objectif était de séquencer le génome de l'ensemble de ces micro-organismes pour mieux comprendre leur influence sur la santé. De fait, un déséquilibre entre les bons et les mauvais peut être la cause de certaines maladies (cancer, asthme, obésité, etc.). Si le microbiote intestinal est aujourd'hui bien caractérisé, celui de la peau commence à peine à lever le voile sur ses mystères. La peau serait donc colonisée par des trillions de micro-organismes, qui recouvrent sa surface et tapissent l'intérieur des follicules pileux et des glandes. Leur rôle : protéger le tégument contre l'invasion de spécimens pathogènes. 
On distingue la flore transitoire, composée de microbes variant selon l'environnement (lieu de vie, profession, hygiène, vêtements, température, utilisation de cosmétiques), de la flore résidente qui réunit divers micro-organismes saprophytes, toujours identiques, mais répartis de façon différente selon les régions du corps, la présence ou non de plis, la densité des follicules pileux, glandes sébacées et sudoripares, l'âge et le sexe de l'individu. Ainsi, les bactéries ont une prédilection pour les zones humides (aisselles, plis de l'aine, narines ou paupières), tandis que les champignons apprécient particulièrement la plante des pieds, où l'on en recense une grande variété.

Bientôt dans nos crèmes ?

La moindre perturbation de ce savant écosystème, à la suite d'une irritation de la peau par exemple, peut entraîner une altération de la barrière cutanée, une baisse de l'immunité et prédisposer à la survenue d'affections inflammatoires (dermatite atopique, acné, rosacée, psoriasis), entre autres. D'où l'objectif que se fixent désormais les marques de beauté de formuler a minima des produits qui respectent la flore microbienne. « Le pH des pains de toilette et des gels douche doit être neutre pour la peau, soit légèrement acide (5,5), comme nos formules à la technologie Hydra-Nutrium, afin de ne pas perturber le fonctionnement de la barrière cutanée », rappelle Cécile Lévêque, experte scientifique hygiène-beauté chez Dove.
Jusqu'ici, la cosmétique ciblait surtout la couche cornée. « Aujourd'hui, la peau est appréhendée comme un organe vivant, sur lequel on peut intervenir à tout moment pour modifier le cours d'une pathologie ou d'un dérèglement comme la peau grasse, la peau sensible, les pellicules ou les mauvaises odeurs. Il suffit de rétablir la diversité microbienne en présence», explique Luc Aguilar, directeur du département biotechnologies de L'Oréal Recherche. Une récente étude réalisée par La Roche-Posay (dans le giron du groupe L'Oréal) montre notamment que la composition du microbiome cutané des patients atteints de dermatite atopique est modifiée lors des poussées d'eczéma, en raison d'une surabondance de staphylocoques dans les zones de lésions. La marque a par ailleurs constaté qu'après trois mois d'application de son produit Lipikar Baume AP, l'état de la peau est considérablement amélioré et la barrière cutanée restaurée, prouvant ainsi que le microbiome est rééquilibré.
Chez le concurrent Avène, qui dispose d'une longueur d'avance dans la connaissance du sujet avec une première publication en 2008 sur le profil microbien de la dermatite atopique*, on a même franchi un pas supplémentaire et désigné de façon spécifique un actif qui agit sur la flore microbienne de la peau atopique. « C'est l'I-Modulia, extrait d'une microflore présente dans l'eau thermale d'Avène, qui est au coeur de la gamme visage et corps XeraCalm A.D », précise Anne-Marie Schmitt, directrice de la recherche clinique chez Pierre Fabre Dermo-Cosmétique. 

Quant au rayon compléments alimentaires, les micro-organismes ont déjà fait leur apparition dans la formulation des gélules. Il est en effet prouvé que certaines souches de probiotiques offrent un impact au-delà de l'appareil digestif, et agissent sur la peau. Elles sont à la carte d'Innéov Sensibilité Solaire qui renforce les défenses de l'épiderme contre les UV, et d'Innéov Santé Capillaire DS, un traitement de fond des états pelliculaires.

Demain, nous serons encore plus proches du vivant et les laboratoires ajouteront même directement dans les crèmes, les bactéries qui nous font défaut. « Nous avons noté sur la peau grasse la présence d'une microflore particulière. Nous sommes en train de l'étudier pour voir de quelle façon nous pourrions la rendre perméable à des communautés bactériennes spécifiques de la peau sèche afin de modifier son phénotype », rapporte Luc Aguilar. D'ici trois ans, grâce à un simple test de métégénomique (une mesure d'ADN, prélevé par frottement à l'aide d'un coton), il sera possible d'obtenir, sur le point de vente, en une vingtaine de minutes, une cartographie bactérienne de n'importe quelle peau, permettant ainsi de prédire ses futurs déséquilibres. 

*Caractérisation moléculaire de l'inflammation et de la colonisation par Staphylococcus aureus de la peau lésée de patients atteints de dermatite atopique, « Skin Pharmacol Physiol », 2008 ; volume 21, pages 260-268.

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